C’est vrai, nous devons l’avouer, notre projet a commencé depuis quelques mois… Mais notre blog est resté vide. Cela peut sembler étrange, mais même aujourd’hui, au XXIème siècle, trouver une connexion Internet fiable est une entreprise hasardeuse. Ceci est une règle générale qui est encore plus vraie en mer !
Nous voici donc enfin connectés pour vous raconter ce qu’il s’est passé ces derniers mois.
Au début de l’été nous avions quitté la froide Allemagne direction le Sud en laissant derrière nous, mille après mille plusieurs pays européens. Peut-être que vous souhaitez savoir à quoi ressemble la vie à bord d‘un bateau ? La réponse est simple : une multitude d‘émotions vous envahit… Elles se suivent mais ne se ressemblent pas ! La mer et ses habitants sont beaux, à vous couper le souffle. Votre cœur s’emballe puis cesse de battre un instant, juste pour reprendre dès que le vent souffle dans les voiles.
Imaginez, c‘est incroyable : notre petit bébé nous a transportés en toute sécurité jusqu’au Portugal. Parfois de manière gracieuse, à la voile, et de temps en temps avec un air pataud accompagné du bruit de ses moteurs. Quelques fois, heureusement, en sautant et glissant sur les ondes des vents forts. Cette descente du Nord vers le Sud de l’Europe a été aussi pour nous un test important avant de traverser l’Atlantique. Nous savons maintenant que nous sommes une équipe forte et nous ne jetterons pas l’éponge !
Après des mois en Europe, le moment est venu de naviguer vers le Maroc à la rencontre de nos premiers patients qui nous attendent déjà.
Facile à dire, mais pas facile à faire : une dépression localisée sur l’Atlantique Nord a décidé de nous accompagner pendant tout le chemin avec un vent de face constant de plus de 30 nœuds.
Pouvez-vous imaginer “Imagine“ au milieu de l’océan avec le super capitaine Wojtek et sa fidèle super compagne Elena (malheureusement avec un plâtre sur la jambe), tout le monde sautillant sur un pied ! C’est avec cette météo que nous avons été accueillis au Maroc. Notre plan était de débarquer à Safi, mais la dépression nous a forcés à nous diriger vers la baie de Mohammedia où un petit port de plaisance, tout à fait sympathique, nous a offert un abri mérité.
Nous y sommes, au Maroc ! Pas même le temps de s’installer que nous avons commencé à travailler. Il y a trois jours, notre mécanicien orthopédiste Christoph Ganter, un bon ami qui travaille avec Wojtek depuis des années, nous a rejoint.
Christoph a atterri à Marrakech, où un centre orthopédique sera notre QG pour cette étape. Deux heures après son arrivée, notre bavarois était déjà au travail.
Les deux premiers jours ont été utilisés pour découvrir et discuter avec les patients. Il a fallu aussi prendre toutes les mesures avec du plâtre afin d’obtenir une copie négative de leurs moignons. Un travail de longue haleine, si vous considérez que nous avons rencontré 15 personnes avec des problèmes, des âges et des origines complètement différents. Mais ils ont tous une chose en commun : leurs sourires face au trésor qu’ils vont recevoir.
Qu’est-ce que cela signifie de perdre une jambe au Maroc ? L’exclusion de la vie quotidienne, la perte de votre emploi et d’énormes difficultés pour vivre. Prenons le cas de cet enfant qui ne va pas plus à l’école car les autres enfants se moquent de lui, ou celui de ce père qui voudrait se déplacer à nouveau pour jouer avec ses deux petites filles… Vous pouvez comprendre combien ces sourires sont vrais et remplissent nos cœurs !
Troisième journée de travail : les copies négatives des souches doivent être remplies avec du plâtre afin d’obtenir leur positif : nous sommes entièrement recouverts de poudre blanche. Je pense que nous allons devoir demander à notre machine à laver un effort supplémentaire ce soir !
Christophe sculpte les plâtres comme un sculpteur expert. S’il n’avait pas son accent bavarois unique, je serais tenté de l’appeler Michel-Ange !
Ce soir, nous retournons au bateau car demain, nous allons commencer à construire les premières prothèses à bord … nous avons hâte pour elles ! Restez à l’écoute !